Droit vers l’avenir (avec un maximum de détours!)
par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets
L’Université de Moncton présente cette semaine la version définitive de son plan stratégique, nommé Un rêve qui nous appartient (U de M). Ce document doit servir de guide à l’évolution de notre institution d’ici l’année 2020. Ça c’est dans sept ans.
Sept ans, ça peut paraître long, mais après avoir lu le document et constaté le large éventail de priorités qui y sont énoncées suivant cinq grands chantiers (Enseignement de qualité et expérience étudiante; Engagement communautaire; Internationalisation; Recherche, développement, création et innovation; et Gouvernance responsable et excellence organisationnelle), je me dis que si l’Université de Moncton poursuit ces buts avec le même zèle actuellement démontré dans la résolution de ses problèmes, 2020 est un but extrêmement ambitieux. En effet, comme l’indique le titre du document ce n’est peut-être qu’«un rêve».
Disons également que le document demeure généralement très vague sur les moyens à utiliser pour atteindre les objectifs ciblés. La chose est normale dans un plan stratégique parce que, comme le programme électoral d’un parti, ce document dans l’essence doit établir ce que seront les priorités, dans leurs grandes lignes. Sans plus.
La tendance à l’heure actuelle dans ce genre de document laisse une place moins grande au blabla, ce qui prouve que, pour emprunter une expression de mon frangin littérateur, on «se situe à bâbord de la mode» en Acadie. Parce que du blabla, en voulez-vous, en v’là…
De fait, on peut difficilement critiquer la teneur du plan stratégique, car il sait identifier plusieurs domaines où l’Université doit investir ses efforts si elle souhaite maintenir son rôle et sa pertinence. Cependant, vu la nébulosité des objectifs décrits –sans dire la ressemblance entre plusieurs de ces derniers- l’Université aurait peut-être gagné à regrouper le tout dans un document moins volumineux, plus concis, plus punché. On sait d’avance que les définitions viendront plus tard, de toute façon. On sait où on est, on sait où ou veut aller, et on va s’obstiner sur les moyens de passer d’un point à l’autre, comme un vieux couple qui part en vacances.
On pourrait même se perdre, et là, juste chercher à qui la faute. Ça arrive.
Et tant qu’à se perdre, regardons brièvement le contenu.
Dès l’introduction on fait allusion à des programmes devant être privilégiés, aux moyens de répondre aux besoins du marché; ce sujet n’est pas repris dans la suite du document. Les décisions restent à venir, mais vu l’accent placé sur la recherche et l’innovation on devine assez facilement desquels il peut s’agir.
Dans le premier chantier (Enseignement de qualité et expérience étudiante), on retrouve quatre grandes orientations, soit le recrutement, le développement de programmes, l’enseignement et l’appui à la réussite. L’expérience étudiante, à mon avis, fait pâle figure, bien qu’on conçoive difficilement que cette expérience, d’un point de vue institutionnel, ne puisse se mesurer autrement qu’en termes de recrutement, de rétention, de réussite, et de transition vers les cycles supérieurs ou le marché du travail.
C’est-tu vraiment rendu plate de même, être étudiant?
Deuxième chantier : l’engagement. J’aime bien la réflexion ici : on cherche à positionner l’Université en tant que partenaire communautaire, à favoriser l’engagement des étudiants dans la communauté, de renforcer le sentiment d’appartenance à l’Université, à la communauté et à la francophonie en général.
Un objectif «spécifique» saute aux yeux à la page 8: orientation 2.2 – Reconnaître le leadership étudiant et bonifier la vie étudiante. Cela veut-il dire considérer les leaders étudiants à titre d’égaux, et non comme de banals signataires sans pouvoir réel, autre que symbolique? Et bonifier la vie étudiante; ciel, quelle perspective intéressante! Comment l’université compte-t-elle procéder?
Au troisième chantier (Internationalisation), on parle d’accroître la capacité d’intégration, d’appui et de rétention de la population étudiante internationale. L’Université reconnaît aussi le besoin de promouvoir les opportunités ouvertes aux gens d’ici pour étudier ou collaborer à l’international.
Le quatrième chantier (Recherche, développement, création et innovation) touche la stratégie de développement et de promotion de la recherche, les sources de financement, la synergie entre les campus, les axes de développement prioritaire.
Et finalement on en vient au grand chantier (Gouvernance responsable et excellence organisationnelle) où les objectifs sont plus vagues que jamais : «Améliorer la gouvernance et la reddition de compte», «dynamiser la planification budgétaire», «identifier de nouvelles sources de revenus»… tout y est, en principe, mais encore une fois, dû à la vocation non-spécifique de ce genre de document, on demeure sur notre faim. Et on a de l’appétit qu’en raison du nombre de mots qu’on nous a servis en guise de hors-d’œuvre. Le dernier amuse-gueule parle d’un milieu de travail et d’un environnement favorisant le mieux-être.
Bref, vous le voyez bien, ce document de 14 pages tient sur un peu plus d’une page, quand en on condense véritablement la substance. Seulement, il fallait mettre de tout là-dedans, pour avoir la meilleure chance de plaire à tout le monde, et ce genre d’objectif se prête mal aux résumés.
Parce que là, on se retrouve avec un véritable fourretout qui contient pas moins de 23 orientations et 52 objectifs (dont la majorité se décline en deux ou trois domaines d’action)…
Gros contrat pour l’Université de Moncton, à coup sûr!
Puisque j’adhère au principe voulant qu’à trois heures il est soit trop tôt ou trop tard pour commencer quoi que ce soit, je vous promets de revenir avec une critique en profondeur de ce document au cours des prochains jours. Pour l’instant, je me perds encore dans les méandres de ses fioritures.