Performance de la Ministre : Za-ro
Texte de réflexion par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets.
Le château de cartes semble paré à s’effondrer (encore une fois) au ministère de l’Éducation postsecondaire, de la Formation et du Travail (MEPSFT), dans le tumulte du débat entourant le nouveau Programme d’accès aux études (PAÉ). Les appuis fondent comme neige au soleil à mesure que le gouvernement Gallant en révèle les détails.
La ministre Landry sera-t-elle encore à la barre passé le cap du mois d’octobre, qui marquera la mi-mandat pour les Libéraux? Il y a lieu d’en douter. Le jeu de chaises musicales s’activera encore une fois, alimenté par la controverse, et je vous prédis qu’on verra un nouveau visage au MEPSFT cet automne. Plus tôt si le gouvernement décide de faire marche arrière sur le PAÉ, mais j’en doute. Et ce prochain visage ne sera probablement pas beaucoup mieux équipé que le visage sortant pour mener le MEPSFT. Il s’agit pourtant de l’un des secteurs prioritaires du gouvernement au pouvoir.
Cette étiquette collerait tristement à plus d’un ministre, d’ailleurs, peut-être que cela saura apporter quelque consolation à la nôtre.
Je dis consolation, parce que Mme Landry cherchera certainement à se consoler au fil des prochains jours. Je pourrais vous en parler longuement, mais une image vaut mille mots. Suivez ce lien (CBC) et écoutez le reportage à 2 :30. Je vais vous attendre.
Ouain. Pas fort, hein?
Mais c’est encore pire quand on y réfléchit un peu : la ministre a convoqué les journalistes (i.e. les a invités à se présenter à un moment dont ELLE a décidé) et a dû se sauver en raison d’un conflit d’horaire. Commode en verrat, non? Aussi, elle s’est fait prendre au piège en vantant la générosité de son plan (en l’occurrence le PAÉ) comparativement au plan ontarien sans en connaître les détails. Elle n’a même pas pris la peine de retenir le nom de ce programme (c’est la Subvention ontarienne d’études (SOÉ), ou Ontario Student Grant, en passant), ni d’en apprendre les détails, disant ignorer que des bénéfices demeuraient disponibles aux étudiant(e)s de familles se situant entre 50 000$ et plus de 100 000$ de revenu.
Oupelaïe!
Le PAÉ (TAB, en rouge) a l’allure d’une falaise, et la SOÉ (OSG, en mauve) celle d’une pente, lorsque combinés avec les montants de la Bourse canadienne d’études (CSG, en bleu). Voyez plutôt :
Source : (HESA)
Le PAÉ plus généreux que la SOÉ. Vraiment, Mme Landry?
J’aime croire que si j’étais ministre en charge des programmes d’aide financière, et particulièrement si je devais annoncer que mon plan est supérieur à un autre qui existe ailleurs au pays, j’essaierais d’en connaître un minimum sur le plan en question. Son nom serait déjà un début. Plus que tout quand je convoque la presse à venir me rencontrer pour discuter de ce sujet précis. En revanche, si mon but était d’abord de couper de l’argent, peut-être que mon approche serait différente.
Or la ministre Landry semblait ignorer la structure employée par le gouvernement ontarien (HESA). Elle a même déclaré lors de sa conférence de presse (où « presse » a soudainement prit un autre sens, disons) que le plan du N-B était plus généreux que celui de l’Ontario, en raison d’un seuil maximal d’admissibilité de 60 000$ vs 50 000$ (CBC). Mais en fait, la SOÉ tient compte du revenu net et le PAÉ du revenu brut, ce qui réduit déjà l’écart entre les deux. En plus, la SOÉ continue de verser des bourses aux étudiants de familles dont le revenu dépasse 50 000$ : 5000$ à l’étudiant d’une famille au revenu de 75 000$, 3000$ à celui d’une famille au revenu de 90 000$ et 2000$ à celui d’une famille au revenu de 105 000$.
Qu’importe – il est inexcusable que Mme Landry n’ait pas été au courant des détails de la SOÉ. C’est son travail de connaître ces choses; nous sommes en droit de nous attendre qu’elle les sache et qu’elle en tienne compte dans les programmes qu’elle met de l’avant. Qui plus est, elle a accès à toute une équipe pour collecter et digérer cette information à sa place. Peut-être les sous-ministres et fonctionnaires du MEPSFT ont-ils leur part du blâme dans cette affaire, mais ce ne sont pas ceux qui parlent publiquement des dossiers.
Devrait-on immédiatement retirer Mme Landry de ses fonctions à la lumière de ce faux-pas (qui n’est pas son premier, d’ailleurs)? On en a congédié d’autres pour moins que ça, et le MEPSFT est une porte tournante : Jody Carr, Ed Doherty, Donald Arsenault, Martine Coulombe, Danny Soucy, Jody Carr (oui, encore) et Francine Landry - 7 ministres en dix ans - s’y sont succédés. Depuis sa création en 2006, le MEPSFT n’a jamais eu un(e) ministre qui y ait siégé pendant un mandat complet. Tout indique que la tendance se poursuivra; et à la lumière des interventions publiques de Mme Landry, peut-être cela n’est-il pas une mauvaise chose.
Dans le fond, le problème tient à ceci : qu’est-ce qui empêchait le gouvernement du N-B de prendre les montants de crédit d’impôts et de les verser sous la forme de bourses à celles et ceux qui y auraient été éligibles en temps normal?
Pas un gouvernement ne cracherait sur un programme à coût nul qui lui offre une bonne opportunité de marketing en bonus. L’Ontario ne s’est certainement pas gênée.
Donnez-nous au moins la vérité : ça ne coûte pas cher.
Je ne sais pas pour les crédits d’impôt, mais une chose que je peux vous dire, c’est qu’une minorité des gens éligibles accédaient aux programmes de réduction de la dette étudiante (FÉÉCUM, point 6), dont les formulaires étaient cachés aux tréfonds du site web du gouvernement. Je doute qu’on ait besoin de chercher plus loin que cela. Si, tout d’un coup, cet argent devait être remis automatiquement via l’aide financière, la province ne s’en sortait pas à coût nul. En tout cas, pas si elle remettait à chacun(e) le plein montant auquel elle ou il était éligible : les programmes d’aide financière qui fonctionnent, ça coûte cher (FÉÉCUM). En revanche, en (ab)usant des bons termes, on pouvait économiser 25 millions $ et quand même faire sourire tout le monde : « Gratuité scolaire! » On a tous levé la tête comme des siffleux.
Si le N-B peut se vanter d’avoir fait quelque chose mieux que l’Ontario, ce serait d’être plus égalitaire (mais pour l’équité, on repassera) ; tous les étudiant(e)s dont le revenu familial dépasse 60 000$ recevront exactement le même montant du gouvernement provincial :
Za-ro.
Texte de réflexion - aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être interprétée.