Par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets.
Comme ce fut le cas lors de la dernière élection, le Parti vert a lancé tôt sa plateforme électorale. Les gros partis - ceux qui ont une chance véritable de former le gouvernement d’après les sondages d’opinion - dévoilent leur plateforme au compte-goutte, livrant promesse sur promesse durant leur tournée provinciale. Alors, les petits partis ont beau jeu de dévoiler l’entièreté de leur programme tôt en campagne, afin de pouvoir bénéficier d’un maximum de temps pour le valoriser aux yeux de la population.
Surtout que, dans le cas des Verts et du NPD, les initiatives sont le plus souvent financées à partir de nouvelles formes de taxation. Nouvelle taxe égale généralement peu d’enthousiasme. Mais bref, sortir tôt la plateforme donne la chance de démontrer au public que ses propositions ont leur raison d’être, leur valeur, et sont réalisables dans un délai et avec des moyens raisonnables.
Alors, que nous disent les Verts?
D’abord pour le secteur postsecondaire, la plateforme du Parti vert, intitulée « Ça commence ici, chez nous vise » l’objectif à long terme « d’élargir le système d’éducation publique pour y inclure les institutions postsecondaires grâce à un programme universel de gratuité scolaire.» (Vert N-B), et nous propose quatre mesures en attendant:
- Éliminer l’intérêt sur les prêts étudiants provinciaux;
- Abaisser le plafond d’endettement de la Prestation pour l’achèvement des études dans le délai prévu (GNB) de 32 000$ à 20 000$, tout en rallongeant la période d’admissibilité dans certains cas;
- Rétablir le rabais sur les droits de scolarité (20 000$ en crédit d’impôt après les études) éliminé par le gouvernement libéral;
- Créer des programmes accessibles d’apprentissage de la langue seconde pour les adultes dans les collèges communautaires de la province.
OK alors; l’intérêt sur les prêts étudiants,d‘autres juridictions près de nous y ont déjà procédé sans heurts, et même si la part provinciale du prêt représente moins de la moitié de la dette totale (40% provinciale, 60% fédérale), une économie reste une économie.
Pour une dette d’étude de 35 200$ (encore la moyenne du N-B après le bacc. aux dernières nouvelles), ça signifie 14 080$ de source provinciale. L’intérêt sur le prêt étudiant (au taux fixe) est du taux préférentiel (présentement 3.7% chez CIBC, gestionnaire des prêts étudiants partout au pays) + 5%, alors 8,7%. Appliquons ça au 13 000$ de tantôt et ça ferait une économie de 1225$. Pas mal, quand même.
Le Profil statistique de l’Aide financière aux étudiants 2016-2017 fait état de 13 902 bénéficiaires, ce qui permet d’estimer le coût de cette promesse à 17 M$, Ça peut sembler beaucoup, mais c’est moins que le gouvernement libéral en a retranché dans l’aide financière au cours de son mandat (CBC)
Enfin pour le retour du Rabais sur les droits de scolarité: certains se rappelleront le tollé soulevé par son élimination sans avertissement et avec seulement une année de grâce pour celles et ceux qui pouvaient encore s’en prévaloir. Ça signifie que plus d’une cohorte d’étudiant.e.s qui comptait en récolter les bénéfices aura reçu soit une fraction du montant, ou rien du tout. Typiquement, le rabais n’était accessible que deux ans après la graduation, au terme de la première année complète sur le marché du travail.
Ce programme coûtait de plus en plus cher au gouvernement, toutefois, et sa fin était prévisible (FÉÉCUM). Si le crédit est rétabli, il sera probablement diminué en raison de l’impact des nouveaux programmes d’aide financière sur la dette étudiante moyenne.
Pour les cours de français langue seconde, tout ce qu’on puisse dire c’est qu’il semble que ce soit une mesure réalisable, qui aurait un impact positif sur la situation linguistique (surtout les querelles fondées sur l’injustice perçue). Mais on parle sur papier; l’efficacité réelle de la mesure dépendra de la volonté des gens à changer.
Ça fait le tour pour le côté postsecondaire qui, il faut l’admettre, semble un peu léger surtout quand on le compare aux propositions de politiques du Parti vert sur cette question adoptées à sa dernière assemblée générale avant l’élection (Vert N-B).
Mais il y a plus et, il faut le comprendre, le secteur postsecondaire n’est pas le seul secteur visé par les politiques du parti. Allons-y donc en rafale avec des promesses qui touchent des domaines d’intérêt pour la FÉÉCUM et ses partenaires:
- Adopter le représentation proportionnelle (tsé, ce que Trudeau a promis en campagne mais oublié après l’élection...);
- Abaisser l’âge légal du vote à 16 ans (clin d’oeil à la FJFNB);
- Agir sur les Appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation (CVR);
- Évaluer les recommandations finales de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées dès leur diffusion (ENFFADA);
- Annuler les contrats avec le secteur privé dans le domaine de la santé et rapatrier ces services (extramural et ambulance) dans le secteur public;
- Investir des fonds et des ressources dans le secteur culturel;
- Augmenter le salaire minimum à 15$ puis l’indexer à l’inflation par la suite;
- Développer un plan pour accroître le recours au transport en commun;
- Et évidemment, jeter les bases d’une véritable économie verte.
Je vous invite à aller consulter la plateforme pour en voir la totalité, mais pour le moment je me conterai d’ajouter que si on compare ce qui a été produit cette année avec les programmes des deux élections précédentes, on constate une évolution rapide dans le développement des politiques et surtout dans la gestion de l’aspect financier des promesses portées à l’attention du public. Le Parti reste jeune, mais gagne en maturité.
L’objectif de gratuité scolaire universelle pour le postsecondaire n’est pas neuf, et tant qu’à le ramener sur le tapis il serait bon de voir à le chiffrer, un de ces jours. Il demeure que ça rencontre directement les positions de la FÉÉCUM et que nous devons saluer le courage du Parti sur ce front - ce n’est pas une position populaire.
Parce que tout le monde est d’accord que l’éducation postsecondaire est hors de prix quand on propose d’en faire un programme public gratuit. Drôle, pareil, non?
La majorité des initiatives seront financées par la nouvelle taxe sur le carbone (que les Verts conçoivent très différemment des Libéraux qui proposent de renommer une partie de la taxe sur l’essence, sans plus), une taxe sur les boissons sucrées, et une réforme de la taxation des entreprises et des mieux nantis qui n’auront rien pour plaire à un certain conglomérat (que nous ne nommerons pas pour se sauver du trouble sur Google).
Bref, si vous votez Vert, vous en aurez plus, mais ce sera plus cher.
Sachant cela, la question se pose: Vert, l’avenir?
Aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.