Texte de réflexion par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets.
Vous l’avez vu : ça fait longtemps qu’on pourrait croire que le dossier de l’ombudsman va aboutir. Mais il faut le dire, un tel poste ne se crée pas en criant ciseaux : d’abord, ça coûte cher, un.e ombudsman (rapport que ça doit avoir une formation d’avocat), et les candidat.e.s ont d’autres perspectives d’emploi plus avantageuses, en général.
Ça demande une certaine vocation, disons.
D’ailleurs, parmi les membres de l’association des ombudsmans des université et collèges du Canada (AOUCC), on en compte qui ont un titre autre que celui d’ombudsman proprement dit, et d’autres qui, même s’ils en ont le titre, ne semblent pas posséder ni les pouvoirs ni la liberté d’action nécessaires (à moins que l’institution qui les embauche fasse preuve d’une bonne volonté excessive) pour conduire ce mandat.
Prenons l’exemple de l’ombudsman de l’Université Bishop’s, qui est aussi professeur à temps plein et dont c’est un rôle à temps partiel, trois heures par semaine (Bishop’s). La personne la mieux intentionnée du monde accomplira bien peu en de pareilles circonstances.
On en compte un bon nombre, aussi, qui ne produisent pas de rapport annuel public de leurs activités; c’est problématique pour un.e ombudsman, ça…
Et cette liste n’inclut pas les postes de modèle alternatif, comme le Human Rights Officer de UNB, nommé dans le texte précédent.
Si on revient à notre histoire de voir les choses enfin aboutir, d’ailleurs, tout indique que ce qui va ressortir de cet interminable dossier sera autre chose qu’un.e ombudsman dans les règles de l’art. Une chose est (pratiquement) certaine, on ne va pas l’appeler par ce nom.
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Sur ce, j’ouvre une parenthèse à saveur linguistique:
Le terme «ombudsman» est d’origine suédoise: et dans son langage d’origine il ne possède pas la connotation genrée – et de là pouvant être perçue comme discriminatoire – que lui confère son emprunt par la langue anglaise. En suédois, la première partie du mot, ombuds, signifie «qui parle au nom d’autrui», et la seconde, man, signifie «personne». Ce qui définit assez clairement le rôle.
Évidemment, en anglais, man est chargé d’un sens masculin, ce qui a poussé bien des institution à rebaptiser le poste ombudsperson ou même ombudswoman pour mieux refléter le genre de la personne qui l’occupe. D’ailleurs, le gouvernement du N-B a récemment rebaptisé son propre ombudsman ombud dans un geste symbolique, par souci d’égalité des genres (Acadie Nouvelle).
La langue qui emprunte un terme à une autre finit souvent par lui appliquer ses propres règles, ce qui justifie le changement d’un point de vue anglais. Mais en français, man n’a pas la même connotation, ce qui fait que dans la majorité des établissements francophones membres de l’Association canadienne des ombudsmans des universités et collèges du Canada (AOUCC) la forme originale du mot demeure la plus souvent employée (AOUCC). À l’opposé, on constate que les membres anglophones ont largement adopté ombudsperson ou ombuds.
Cela dit, à la fois le Robert et le Larousse catégorisent ombudsman comme un nom masculin, le Robert suggérant même ombudsmen pour sa forme plurielle.
Voilà qui clôt cette parenthèse, ma foi, fort stimulante.
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Donc, reprenons : la demande de la FÉÉCUM, appuyée par l’ABPPUM, a toujours été limpide: ce qu’on exige n'est rien de moins qu’un ombudsman (Le Front). En termes de pouvoirs et de mandat, pas du sexe de la personne en poste, vous l’aurez compris.
Toutefois, la rumeur qui court indique qu’il s’agira plutôt d’un.e commissaire quelconque (esquivant du coup l’épineuse question du genre). Il faut dire que dès le départ, le recteur a multiplié les exemples de structures alternatives possibles lorsque questionné sur l’ombudsman. En fait, au-delà du nom choisi, ce qui importe à ce point est de savoir si cette personne sera dotée des pouvoirs, de la liberté d’action, et d’un mandat susceptible d'appuyer le changement et l’amélioration des pratiques à notre institution, ainsi que le climat d’études/de travail qui y prévaut. Mais là, soyons honnêtes : l’optimisme ne règne pas tout à fait.
Il est pertinent de noter que, dans l’appareil public, un.e commissaire agit à titre de «chien de garde », dans le but de faire respecter les lois et règlements – incluant l’esprit de ces derniers - ce qui suppose à la fois l’indépendance de la structure administrative et un plein pouvoir d’enquête et de recommandation.
De là découle une autre question : opter pour autre chose qu’un.e ombudsman signifie-t-il que la personne en poste ne sera pas en mesure d’appuyer tous les membres de la communauté? Jusqu’ici tout laisse supposer que le mandat envisagé par l’Université visera uniquement les étudiant.e.s. Étant donné le soutien reçu de la part de l’ABPPUM dans la conduite de nos revendications pour l’ombudsman, et le besoin perçu d’un mandat qui s’étende à la communauté entière, cela serait problématique.
Puis il reste la question de l’endroit où s’inscrira le poste dans la structure administrative. En principe du moins il devrait être en-dehors de la structure administrative, pour se rapporter directement au CGV.
Et puisque la DGEE répond au Vice-rectorat à l’enseignement et la recherche, ça voudrait dire l’une de trois choses : soit on va (encore) devoir attendre (encore) au moins un an avant la création du poste, ou alors quelqu’un va changer de titre et acquérir de nouvelles responsabilités/pouvoirs. Mais pas de salaire, en apparence. Ou alors, un ou plusieurs postes ont été abolis au sein de l’administration pour permettre de créer un poste d’ombudsman qui sera ouvert aux candidat.e.s dans les semaines à venir.
L’important (pour l’Université), c’est que ça ne coûtera pas plus cher.
Ce qui se défend, car M. Théberge disait justement l’automne dernier qu’ « on ne peut pas continuellement demander aux étudiants et aux employés de payer plus ou de recevoir moins » (Radio-Canada).
Exactement, Monsieur Théberge; exactement.
Texte de réflexion - aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.