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Surpriiiiiiiiiiiise!!! L'Université embauche, euh, encore pas un ombudsman
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Texte de réflexion par Raymond Blanchard, agent de recherche et projets.
Je dis « surprise », mais ça devient vraiment une habitude.
L’Université de Moncton a annoncé en septembre l’embauche d’un nouveau membre de l’administration, nommé au poste de directeur du développement philanthropique (UMoncton). Pendant ce temps, le vote sur le Code de conduite, dont dépend le poste de commissaire (la proposition de l’Université aux demandes de la communauté pour un.e ombudsman), est repoussé jusqu’en décembre. Tant qu’à ça, la Politique sur la violence sexuelle aussi devra attendre jusque-là. C’est déjà honteux comme délai, et la rumeur veut que les travaux n’aillent pas exactement bon train. Où sont donc les priorités ?
La Campagne Évolution passe devant tout ça. D’ailleurs, comment ça avance? En novembre 2016, on disait aux médias qu’elle devait durer deux ans ; on serait donc à mi-chemin (Radio-Canada). Au niveau des fonds amassés, on se trouve là aussi, selon les informations de l'Université. (UMoncton). Côté image, on a mis le paquet ; la page de la campagne (jolie, d’ailleurs, si on la compare – disons – à celle des services aux étudiant.e.s) ne parle pas de progrès mais uniquement d’objectifs (UMoncton). Ce qui rapporte passera toujours devant ce qui coûte. Triste position pour les étudiants, qui paient des frais et qui ont besoin de services tout à la fois.
Parlant de coûter, ce qui est (comique mais pas) drôle avec cette dernière embauche, c’est que l’Université a déjà – et conserve – une directrice générale du développement philanthropique...
Ça rappelle la création du poste de direction du service des communications, des affaires publiques et du marketing (SCAPM), mais un peu à l’envers. Rappelons qu’à l’époque, on se demandait la raison d’être du poste, tout comme les intentions derrière sa création (FÉÉCUM). Elles sont devenues plus claires depuis. Or cette fois, au lieu de mettre un nouveau chapeau sur la tête, l’Université rajoute une tête sous le chapeau.
Si l’Université a annoncé l’ouverture du poste, ce fut sans faire trop de bruit, comme pour le SCAPM. Cela dit, ce genre de concours est souvent géré par une agence de recrutement, ou « chasseur de têtes », qui identifie et cible des candidats susceptibles de répondre aux besoins de l’institution.
Dans l’intention de créer ce poste, comme dans l’expression de ces besoins, en revanche, il y a eu un manque de communication.
... quelle ironie.
Toujours est-il que l’Université de Moncton a embauché Michael Cantwell comme directeur du développement philanthropique et de la campagne de financement Évolution. L’annonce fait état de sa longue expérience avec les campagnes de financement, de même que des positions qu’il a occupées dans le gouvernement provincial.
Alors il s’agit, à n’en pas douter, d’un monsieur très qualifié.
Mais, et je reviens encore une fois au cas de figure du SCAPM, n’avait-on pas déjà en place une équipe complète en mesure – ou du moins avec le mandat – de s’occuper des tâches remises au nouveau directeur (UMoncton)?
Évidemment, les campagnes de financement sont des initiatives particulières, et donc le fait d’embaucher du personnel supplémentaire pour les conduire le temps qu’elles soient complétées n’aurait rien en soi pour étonner la majorité des gens.
En tout cas, pas au début de la campagne.
Sauf que si c’est vraiment une procédure standard (et on l’entendra dire), ou nécessaire au succès de toute campagne de financement, pourquoi procéder à l’embauche d’un directeur de campagne après le lancement de la campagne Évolution ?
Ah, mais est-elle lancée cette campagne? La question se pose. Le Conseil des gouverneurs a approuvé son lancement en juin 2016, incluant un financement sur 10 ans qui coûtera à jusqu’à 8,6 millions$ à l’Université. Elle est donc lancée, mais pour l’instant elle opèrerait en mode « silencieux », travaillant en coulisse pour solliciter des dons qui permettront de présenter un thermomètre au moins partiellement rougi quand viendra le temps du lancement officiel de la campagne, en 2018 ou 2019 (Acadie Nouvelle). Faudrait surtout pas « mal paraître ».
Il n’y a que les idiots pour quêter les poches vides, tenez-vous le bien pour dit.
Sans être lancée officiellement, la campagne est clairement en opération (UMoncton). Avec l’ambitieux objectif d’amasser 50 millions$, ses aspects les plus intéressants pour les étudiant.e.s touchent aux 20 millions$ qui serviront à créer des bourses d’aide financière – dont 2 M$ pour les étudiant.e.s en situation de stage non-rémunérés – (UMoncton) et aux 11,5 millions$ qui serviront à la modernisation des installations.
On devrait, entre autres, en venir à avoir des campus plus verts (panneaux solaires, récupération de l’eau de pluie, toits verts, flotte de véhicules électriques, bornes de chargement, etc.) et il est à peu près temps (UMoncton). Mais avec seulement 2 M$ réservés à ces fins, il y a fort à parier que sans des investissements du gouvernement et/ou du secteur privé sur des initiatives spécifiques, on est mieux de ne pas retenir notre souffle.
Il faut avouer que tout ça n’est quand même pas mal.
Sauf que... la brique, le béton (même verts), ça ajoute quoi à la qualité de l’éducation ou à l’accessibilité du postsecondaire ? Malheureusement, pas grand-chose, un peu comme toute la publicité du monde n’améliorera pas ce que plusieurs insistent pour nommer le goût de la Coors Light.
« Est froide », menoum toi. Blague à part, bois pas ça chaud : tu vas la goûter.
Car même avec tout ça, le message qui ressort est celui-ci : « si on avait de l’argent, tout ça serait déjà fait ! On veut bien, mais... » Et d’où viendrait cet argent ? Des subventions gouvernementales en temps normal. Et le gouvernement – gestionnaire du bien public – aurait tout de même intérêt à ce que les universités et collèges de la province bénéficient d’infrastructures en bon état. Mais dans les cas d’entretien, pas de ruban à couper...
Cela dit, le gouvernement, comme les universités, sait que l’entretien de toutes ces infrastructures est une chose onéreuse, une dépense sans fin. Exception faite, peut-être, des infrastructures vertes, qui permettent de réaliser des économies qui compassent les coûts de construction. Ce qui nous donne une raison de plus pour dire que le gouvernement aurait intérêt à financer les infrastructures publiques (bien que les universités soient dans une sorte de néant existentiel quand on demande qui les possède).
Ce qui nous amène à l’aide financière. À première vue, l’ajout de 20 M$ en bourses est un geste de bonne foi de l’institution, et qui sans aucun doute saura aider bien des étudiant.e.s à faire face au coût des études. Mais c’est le fait que ces études coûtent de plus en plus cher que les bourses ne peuvent obscurcir ; ce problème dont personne ne veut sérieusement discuter.
Puis des bourses de la sorte qui se multiplient – qui ont besoin de se multiplier – ça nous garde le nez où le gouvernement aime qu’on le garde, sur notre propre nombril. Ça érode l’esprit de société, et de là les projets desquels dépend son existence. Mais hey, le problème qui ne me touche pas n’existe pas, right ?
Et c’est problématique, car un jour on se grattera le nombril, et surpriiiiiiiiiiiise!!!
Texte de réflexion - aucune position officielle du C.A. de la FÉÉCUM ne devrait en être nécessairement interprétée.